Coup d'oeil sur ... La réforme sur l'orthographe
Ce n’est pas première réforme l’orthographe et ce ne sera pas la dernière !
Beaucoup de bruits pour une réforme de l’orthographe avec parfois même des réactions très démesurées.
« Nivellement par le bas » par Christian Estrosi des Républicains, « infâme réforme » par Florien Fillipot du Front National
Jusqu’à la créaction d’un nouveau hashtag contre cette nouvelle attaque terroriste : #JeSuisCirconflexe (dont vous noterez que l’usage qu’en fait le FN alors qu’ils peinent à expliquer #JeSuisCharlie, bref 2 poids deux mesures)
Je souhaité donc donner mon avis personnel, qui n’engage que moi. Il convient d’abord d’expliquer la réforme avant de partir en croisade :
(Résumé trouvé sur internet)
La motivation principale de cette réforme est d’abord d’adapter la langue écrite à l’orale, écrire ce qu’on dit.
Les traits d’union :
C’est ainsi que certains mots composés verront leurs traits d’unions supprimés. Une bonne chose, parce que je n’ai jamais trop bien compris quand les caser. Etudiant en médecine, je me prends toujours la tête sur l’écriture de certains mots utilisés souvent comme postéro-supérieur ou autre. Là c’est plus simple, on met un trait d’union si cela risque de faire des fusions de mots défectueuses.
Exemple :
Mille-Patte -> Millepatte
Extra-utérin -> Extrautérin : là y’a un problème donc on conserve le trait d’union.
Week-end -> Weekend : pas de soucis, c’est déjà ce qui est enregistré sur mon téléphone.
Electro-Ménager -> électroménager : j’ai découvert cet ancienne orthographe à l’écriture de cet article. Toute ma vie j’appliquais donc déjà la réforme pour ce mot. Je suis pas devenu débile pour autant.
Les traits d’union dans les nombres :
Dorénavant le trait d’union est généralisé à partir de cent.
Donc cent-un et non plus cent un. Cent-dix-mille-trois-cent-quatre-vingt-douze et non plus cent dix mille trois cent quatre-vingt douze.
Les pluriels :
Dorénavant on mettra un s à toutes les mots d’origines étrangères.
On écrira plus des match mais des matchs (quoi tu ne savais pas ? t’es un peu un infâme nivelé par le bas je trouve)
Tu as maintenant le droit d’écrire des après-midis et non plus des après-midi. J’entrevois déjà l’apocalypse promise par la Manif Pour Tous pour sanctionner ces atteintes aux bonnes moeurs.
L’accent circonflexe :
L’accent n’est plus obligatoire sur les î et les û quand cela ne change pas le sens du mot. Avant tu écrivais disparaître (ou pas) maintenant c’est disparaitre. Ici l’accent circonflexe ne sert à rien mis à part te faire mousser dans des milieux que tu ne cotoieras jamais. Vous noterez la disparition de l’accent circonflexe sur cotoyer, que mon correcteur automatique réactionnaire à tenter de corriger (ou plutôt fauter maintenant.)
Mais attention, on dira toujours « être sûr » pour indiquer une certitude, et « être sur » pour indiquer une position. Même si le sens de « sûr » ou « sur » est précisé par le contexte de la phrase, l’académie Française a estimé que l’accent circonflexe permettait de discriminer les deux sens différents de ces mots. Soit.
L’accent circonflexe est également conservé dans la conjugaison du passé simple, subjonctif de l’imparfait, plus-que-parfait.
Accent grave et aiguë :
Il s’agit d’utiliser l’accent grave sur le « e » quand il se prononce dans un mot.
Exemple:
Je céderai -> je cèderai
Je considérerai -> je considèrerai
Accord du participe passé du verbe laisser :
Dans certains cas, selon un règle grammaticale dont je ne me souviens plus, le participe passé de laisser s’accordait, dans d’autres cas non. Dorénavant le participe passé de laisser ne s’accorde plus !
Elle s’est laissée mourir -> Elle s’est laissé mourir
Harmonisation des mots de même famille :
boursoufler -> boursouffler : histoire de calquer sur le verbe souffler.
Chariot -> Charriot : pour calquer sur charrette
Combatif -> combattif : Pour calquer sur combattant
Anomalies :
Oignon -> ognon : autre plus simple comme cela.
Nénuphar -> nénufar : l’histoire de ce mot est intéressante puisqu’il s’agit en réalité d’un mot d’origine arabe et que « nénufar » est l’orthographe qui colle le plus avec son étymologie. Mais l’extrême-droite tient réellement à s’approprier ce mot en y appliquant -ph-. On espère qu’ils mettront autant d’entrain à s’approprier la gastronomie d’origine étrangère comme le kebab.
C’était un résumé mais vous trouverez le détail de la réforme de l’orthographe de 1990 sur ce lien : http://www.academie-francaise.fr/sites/academie-francaise.fr/files/rectifications_1990.pdf
Visuel parodique de Bernie Sanders, candidat socialiste à l’investiture démocrate de l’élection présidentielle américaine.
Si l’orthographe éveille tant de passion, c’est parce que cela fait partie de notre langue et notre culture. C’est pourquoi il est important de noter que l’orthographe, comme la culture et les traditions, n’est pas quelque chose de figé dans le temps. Ce n’est pas la première fois que notre langue change et ça ne sera pas la dernière fois. Les changements opérés sont issus des rapports de force sociaux et du visage de notre société. Cette réforme s’attaque à des problèmes importants que les français rencontrent au quotidien lorsqu’il s’attelle à l’écriture. Elle simplifie l’écriture pour nous les adultes et également pour les plus jeunes. Elle casse des dogmatismes dans la langue, dénués de toutes logiques, et qui rajoute du stress et une pression supplémentaire aux élèves. Ecrire millepatte plutôt que mille-patte ne change absolument rien au sens. Le débat sur cette réforme permet d’expliquer que sur certains points, ce ne sont pas les français-e-s ou francophones qui sont nuls en orthographe et illogiques mais parfois notre propre langue qui se joue de nous et qu’on est pas si con que ça.
Pendant longtemps, l’orthographe était un outil de sélection scolaire parmi d’autres. L’écriture correcte de nénufar pouvait ainsi déterminer si on était ingénieur à polytechnique ou bien réorienté en filière pro après la 4e (c’est caricatural, mais c’est l’idée). L’orthographe est systématiquement évalué dans toutes les matières (même les mathématiques), quand bien même ces fautes n’imputent pas le sens de la phrase et le développement d’une argumentation.
Il ne faut pas oublier que les troubles d’apprentissage du langage sont estimés à 6-7% dont 4 à 6% pour la dyslexie-dysorthographie. Selon plusieurs travaux de recherche, la prévalence des troubles d’apprentissage d’une langue sont même directement liées au degré de correspondance entre langue écrite et orale, les pays hispanophones étant les pays ayant la plus basse prévalence de troubles du langage. (source 1)
Ainsi la réforme de la langue française écrite est loin d’être terminée pour calquer au plus près des usages qu’en font les francophones, usages qui par ailleurs change au cours du temps. Une piste de réflexion à aborder est la concordance du genre. En effet, en Français, pour 99% de femmes et 1% d’hommes, on accordera systématiquement au masculin et emploiera le pronom « ils » au lieu de « elles » .
Cette discrimination sexiste existe également dans le cadre de certaines fonctions ou métiers : Président de la République par exemple.
Inversement, on privilégiera l’usage du féminin pour des métiers qu’on considère féminin comme les infirmières. Comme expliquer plus haut, la langue est révélatrice des états de rapport de force sociaux, et dans ce cas, de l’idée de ce qu’on fait de la place des femmes dans la société française.
Un outil qui peut également faire l’objet d’une réforme c’est l’Académie Française elle-même. Si elle est composée d’individus brillants, cela reste des vieux, riches, hommes, blancs, hétérosexuels et français pour leur majorité, élus à vie.
Pourquoi ne pas réformer cette institution en créant une académie de la Francophonie, ouverte à tous les pays et régions francophone (France, Sénégal, Mali, Québec, Belgique etc …) avec des mandats courts, composés de représentants issus d’enseignants dans tous les degrés de l’éducation nationale et universitaire, des lycéens et des étudiants, des artistes de tous les genre musicaux, écrivains ou journalistes pour calquer au plus près des usages ?
Mon sentiment sur cette réforme et sur les réactions qu’elles suscitent, disproportionnées ou non, c’est que la langue appartient à ceux qui la parlent, pas à une minorité élitiste.