Previously on ... Batman VS Superman - Dawn of Justice : L'Ere du Vide
La Warner a un problème : le concurrent Marvel/Disney adapte depuis 8 ans avec succès les principales franchises qu’elle possède. Il fallait donc commencer à raccrocher les wagons, et qu’importe si cela est fait avec pertes et fracas. Dans ce qui s’impose comme une course de fond, Warner tente le sprint, soit. Elle agrandit l’univers dépeint dans le controversé Man of Steel, pour en faire une maestria d’approximations. Mais qu’importe, avec plus de 100 millions de budget promotionnel ils pouvaient se le permettre.
Le résultat réussit la performance de faire passer Man of Steel pour un chef d’œuvre du genre, et nous ferait presque regretter Batman Forever. Dans un Metropolis traumatisé par la bataille entre Superman et Zod, le natif de Krypton est considéré à la fois comme un héros et une potentielle menace. Et c’est là le premier problème du film : son contexte. On nous montre constamment des gens atterrés à l’idée qu’un humanoïde surpuissant soit sur terre, alors que de multiples statues géantes de Superman sont visibles plusieurs fois. Ce déséquilibre peut s’expliquer par un montage épileptique et apocalyptique. On veut bien croire ce cher Snyder qui nous promet une director’s cut de trois heures, tout va donc bien dans le meilleur des mondes.
Un des autres échecs du film, c’est la caractérisation des personnages principaux. Henry Cavill nous ressert son Superman monolithique et Snyder sa vision christique de Superman avec une grossièreté qui ferait passer Michael Bay pour un réalisateur délicat. Insister à ce point pour donner une identité chrétienne à un personnage purement hébraïque relèverait presque de la démence. Ici Superman contemple les gens l’appelant à l’aide, c’est esthétique, mais ça ne le rend pas héroïque. L’objectivisme de Snyder se ressent : la masse ne comprend rien, et les gens aux grands pouvoirs sont toujours reniés. Tant mieux si Snyder se prend pour un génie depuis qu’il lit Ayn Rand, mais qu’il lâche les personnages iconiques, car le pire est à venir.
Ben Affleck est incroyablement convainquant en Batman / Bruce Wayne, le problème c’est son écriture. Le scénariste Chris Terrio et Snyder ont beaucoup lu The Dark Knight Returns de Frank Miller, mais ils ne l’ont pas compris. On se retrouve donc avec un Batman à peine quadragénaire qui marque les criminels qu’il pourchasse au fer rouge ( ?????) pour que ces derniers se fassent assassiner en prison ( ????????????). Batman utilise aussi toutes sortes d’armes à feu, quitte à mitrailler gratuitement depuis son avion sans avoir de remords et sans de poser de questions. L’héroïsme du XXIème siècle, mesdames et messieurs. Batman réussit aussi la performance d’être le pire détective du monde dans ce film, ne réfléchissant jamais à ce qui se passe, se faisant avoir constamment par les autres, et donc étant toujours à la ramasse.
La seule à s’en tirer convenablement reste Wonder Woman, qui ne fait pas grand-chose pendant les ¾ du film, encore fallait-il que Snyder en ait quelque chose à faire de ses personnages féminins. Loïs Lane se débrouille pour être la demoiselle en détresse trois fois dans le film, et rate presque tout ce qu’elle entreprend. Et Lex Luthor dans tout ça ? Oubliez le bad guy froid et calculateur de votre enfance, ici c’est un gros mélange entre le Joker et le Mark Zuckerberg de The Social Network. On remerciera également la présence de Doomsday dans la bande-annonce, ce qui fait que la surprise est totalement absente lors de son apparition, fameux. Le combat en lui-même parait presque anecdotique, et semble n’être lui-même qu’un prétexte pour faire rencontrer les deux personnages et les allier dans les suites.
L’autre enjeu du film était donc nous vendre les deux futurs films, Justice League et les autres membres. Là où il était simple de juste copier Marvel et ses références/easter egg discrets en post-générique, ici le forcing est tellement grossier qu’on en vient à rire. La présentation des membres se fait par l’intermédiaire d’une méthode faisant passer les super-héros pour des Youtubeurs avec leurs propres logos, avec une présentation d’Aquaman qui mérite d’ores et déjà un meme.
Un échec thématique et narratif, qui arrive à la fois à briser gratuitement des codes légendaires des franchises et à échouer dans sa tentative simple d’égaler les productions Marvel. Une tentative tellement drôle lorsqu’on sait qu’aucune projection presse classique n’a eu lieu, preuve que Warner avait conscience du désastre que propose ce premier montage de 2h30, et a commencé à évoquer les suites (un premier teaser du film Wonder Woman) avant même la sortie du film.
On espère un épisode de Justice League beaucoup plus maitrisé au niveau de ses enjeux, de son montage et de ses personnages. Après la séance j’avais vraiment mal à mon Batman. Je propose donc des œuvres qui rendent justice à toute la légende du Dark Knight.
1/ Batman : Killing Joke. Ecrit par Alan Moore et dessiné par Brian Bolland. En seulement 48 pages, les deux artistes arrivent à décrire simplement et d’une puissance phénoménale l’opposition entre Batman et le Joker. Un indispensable, et parfait pour débuter les comics du Chevalier Noir.
2/ Batman : Year One. Scénarisé par Frank Miller et dessiné par David Mazzucchelli. Un autre classique pour commencer, revenant sur les débuts d’un jeune Bruce Wayne en tant que Batman.
3/ Batman : The Animated Serie. Produite par Bruce Timm, ce dessin animé culte fait le bonheur des enfants et des adultes, avec un univers riche, un Batman très moral et iconique, ainsi qu’une finesse dans l’écriture. Une œuvre qui ne prend pas la jeunesse pour des idiots et qui vaut forcément le coup d’œil.
4/ Christopher Nolan – The Dark Knight Trilogy. Malgré un troisième film décevant, Nolan arrive à adapter dans un genre de thriller les aventures du héros de Gotham, une réussite.